Avril 2011 : les ennuis sérieux commencent, on s’enfonce de plus en plus et les fournisseurs en font les frais.
Au service juridique, je suis seule, ma collègue pouponne et les huissiers se pressent dans mon bureau. Parfois 4 en même temps : injonctions de payer, commandements de payer … je gère comme je peux. Je jongle entre les urgences, je pipotte, je pleure, je minaude … je tiens.
Juin 2011 : les ennuis continuent et les salaires en font les frais. Retard de paiement mais payés quand même, on sert les dents, les fesses mais on sent bien qu’une décision doit être prise.
Au service juridique, on espère un miracle mais tout tient à un fil. Les huissiers sont devenus mes copains mais mes mensonges ne tiennent plus.
Malgré tout, nos fournisseurs sont d’une patience incroyable et nous, salariés, aussi, même si ça commence à grogner dans les rangs. On s’inquiète à juste titre pour son salaire, son poste, ses vacances.
L’été passe. Mes vacances sont faites de mails professionnels, d’appels au bureau, de relectures de conclusions …
Septembre 2011 : ma collègue rentre de son congé maternité et me rejoint pour la dernière ligne droite. On attend avec impatience le redressement judiciaire … terrible à dire mais devant notre incapacité à agir, cela semble la seule solution.
En attendant, on jongle à deux, l’une retient les huissiers tandis que l’autre court à la compta. pour récupérer en vitesse un chèque devant l’insistance d’un cravaté qui veut saisir. Et un jour, le verdict tombe : on ne paie plus, plus d’argent dans les caisses.
Ok, là, on comprends. Ce jour là, on l’apprendra plus tard, notre responsable financier est au tribunal et demande la mise en redressement judiciaire de la société.
Ouf, on pense pouvoir respirer. Oui et non.
Un nouveau directeur commercial France est nommé et réinterprète complètement la société, mais sans s’occuper des forces commerciales, qui entre temps, ont été décimées et sont démoralisées. Drôle d’approche, pensons nous au service juridique mais nous gardons espoir. Faible.
Un mail échappe à la direction financière : un projet de cession est en cours. OK. On encaisse le coup mais après tout, on a besoin de sang neuf et d’une nouvelle stratégie d’entreprise. Mais serons-nous tous repris ? A quelles conditions ? A quel prix ? Et par qui ? Un fonds d’investissement ?
Et là, ça devient la débandade : rumeurs, bruits de couloirs, surveillance des visites, plans de reprise bidons, CE qui se démène mais dont les infos varient, plan sur la comète : « toi tu restes, toi aussi. Ah non, toi, ton service est décimé … ». Passages répétés devant le Tribunal qui semble perdu et ennuyé : une société commerciale présente dans plusieurs villes en France, dans plusieurs pays européens, avec un partenaire financier très important, des dettes colossales … Déjà que nous, salariés, avons du mal à suivre, nous imaginons les juges …
A chaque retour du représentant du personnel, les mêmes questions. Quel repreneur ? combien de salariés conservés ? les mêmes réponses : le tribunal a repoussé la date, il faut encore attendre, les éventuels repreneurs doivent revoir leur copie …
Nous n’en pouvons plus, cette attente est éprouvante … en attendant, au service juridique, plus rien à faire. Toutes nos procédures sont en suspens, plus de courriers, plus de contrats à rédiger … on classe, on archive, on grignote, on pause clopes … on imagine l’avenir … ah non, ça, on ne peut pas.
La suite demain …
[…] pour ceux qui viennent d’arriver sur ce modeste espace : je suis Juriste et chômeuse. Redressement judiciaire et liquidation judiciaire, je me suis fait la totale, pourquoi s’arrêter en route ? Et […]
[…] pour ceux qui viennent d’arriver sur ce modeste espace : je suis Juriste et chômeuse. Redressement judiciaire et liquidation judiciaire, je me suis fait la totale, pourquoi s’arrêter en route ? Et […]
[…] Parce que oui, voyez vous, je cherche un job. Ceux qui me suivent savent que j’ai vécu un redressement et surtout une liquidation judiciaire chez mon dernier employeur, que j’ai décris non sans humour et ironie (je m’envoie des fleurs si je veux) ici et là. […]
Je n’en suis pas là en tant que chef de petite entreprise mais je sors d’une période tourmentée et je comprends tout le sens de ton billet. Un chantier qui dérape pour cause de personnel intérimaire indélicat qui se paye des heures supplémentaires qu’ils ne font pas, moi pas toujours au front parce que ma fille est hospitalisée, un coordinateur de travaux qui oublie en novembre mes situations au fond de sa musette et la Trésorerie de l’Etat qui ferme et ne paie plus personne du 15 décembre au 15 janvier… Le 15 janvier arrive enfin et patatra, c’est l’APHP qui a fait une boulette dans mon marché…. je dois attendre mes règlements jusqu’au 8 mars… mais miracle, nous sommes le 20 février et je viens d’être réglée…. heureusement, mes fournisseurs commençaient à me harceler et j’étais à deux doigts de jeter mon téléphone dans la Seine…
Alors, j’attends la suite avec impatience !
Je suis heureuse pour toi mais parfois, il suffit de presque rien, surtout pour une petite structure. Dans mon cas, ce sont des années et des mois entiers de gestion qui sont en cause …
coucou
je connais aussi les problématiques du redressement mais de l’autre côté de la barrière. pas de salariés heureusement, un gros client qui ne paie pas, et hop , la dégringlolade, les charges qui vous étranglent de plus en plus importantes.un gros gâchis et une impression que l’on arrivera jamais à remonter en estime de soi….
cela m’a permis de comprendre une chose , c’est qu’en france on paralyse toutes idées d’entreprendre, toutes idées de création, que l’assistanat est 100 fois mieux et que l’on élève les gens que pour ça, pas tous évidemment…
aujourd hui je me remets en selle avec une immat sur l’angleterre, mais les pays anglossaxons font en revanche tout pour avoir un système qui permette de créer….
Je ne crois pas qu’il y ait une culture de l’assistanat en France mais je comprends les difficultés des entrepreneurs et il faudrait certainement leur faciliter la vie.
Et je pense qu’il y a certainement moyen d’aider salariés et patrons en même temps, au lieu de tout le temps les opposer !
Pareil que Nathalie : Comment la suite demain ?…………bon ok c’est toi qui vois..
Quel courage pour les salariés. Je le vois au quotidien étant avocat et m’occupant beaucoup des procédures collectives de mes clients ! J’imagine à quel point les ambiances de travail doivent être difficiles à gérer. A demain pour j’espère une fin plus heureuse 😉
Comment ça la suite demain ? Noooon ! En plus, tu commences en avril 2011 ! Il y a encore bien choses à dire !
Quelle situation terrible. Ton témoignage est très intéressant car il donne plusieurs angles de vue. Vivre ce genre de situation doit demander pas mal de cran.
C’est loin d’être simple, c’est vrai.