Si vous êtes un minimum connectées, vous n’avez pas du louper le badbuzz de la semaine dernière qui a remué la blogosphère, les réseaux sociaux et les internets du monde entier.
J’en fais un peu des tonnes mais ça a pas mal secoué pendant 2/3 jours.
Pour les ermites, je résume : une ONG a commandé à une agence de com. une campagne de sensibilisation pour le droit à l’éducation des filles dans le monde : lutte contre le travail forcé, l’esclavage domestique des enfants … C’est louable, rien à dire là-dessus.
Sauf que la campagne, hyper maladroite, mettait en avant un faux blog – une maman qui déscolarisait sa fille pour lui faire cirer les chaussures de la famille – et qu’elle a été relayée par quelques blogueurs parentaux, rémunérés pour des posts sponsorisés.
Voilà pour faire court.
Perso, j’ai trouvé la campagne complètement nulle. C’est sûr, elle a fait parler d’elle mais uniquement sur la forme. Le fond est passé complètement à la trappe. La campagne a stigmatisé les familles qui pratiquent l’instruction en famille, a jeté l’opprobre sur les blogueurs dépassés par les événements – et même si on peut leur reprocher d’avoir pris part à cette mascarade, ils ne méritaient certainement pas d’être insultés comme ils l’ont été – et on en oublié la cause.
Je trouve que bien souvent les campagnes de sensibilisation ne sont pas à la hauteur et manquent de concret. C’est bien de parler des causes justes mais sincèrement, qui nous apprend à avoir la bonne attitude lorsque l’on est confrontée à la violence ?
Et face à certaines campagnes, je me sens en colère. Parce que cet été j’ai vécu un épisode marquant, qui me hante toujours, je trouve bidon pour une agence de com. et une ONG de jouer avec les détresses.
Nous étions dans les PO, dans un bar de montagne, après une randonnée bien chaude, nous buvions un Perrier.
Mon fils mangeait une glace.
A une table proche, un autre petit garçon de l’âge ou presque de mon Loulou mangeait une glace aussi. Accompagné de son papa.
Les deux se voient, rigolent, et font sourire les adultes avec leurs moustaches de chocolat.
Nous reprenons le cours de nos conversations quand le papa du petit garçon commence à s’énerver, la glace coulant dangereusement sur le menton de l’enfant. Il s’énerve sévère mais bon, ça passe.
Puis on entend un « connard » suivi de phrases dures sur la propreté de l’enfant. Le tout adressé à l’enfant par son papa.
Là clairement, ça commençait à me chauffer.
Quelques minutes plus tard, le père se lève hyper énervé et commence à bousculer son fils, lui essuyer la bouche violemment, le tout accompagné d’insultes et autres mots grossiers.
Je ne tiens plus et interviens, je demande à cet homme de parler plus doucement à son fils et de le laisser tranquille. L’homme me tourne le dos et ne moufte pas. Il se calme.
Je suis la seule à réagir dans le café pourtant plein. Mon compagnon et notre ami – pourtant très sensibilisés aux questions sociales – n’arrivent pas dire un mot et sont comme paralysés.
Nous partons, tristes, dégoûtés et les larmes aux yeux.
Le père et l’enfant nous suivent de quelques mètres et là, le père met un sacré taquet derrière la tête de son fils. Ils montent en voiture et filent.
Et nous restons là, bouleversés.
J’ai noté la plaque d’immatriculation et fait un signalement mais quoi d’autre … Appeler la police ? en altitude ? Retenir la voiture ? Casser la gueule à ce sale con ?
Je me demande souvent ce que j’aurais pu faire de plus ? Et je culpabilise aussi, je suis certaine que mon intervention a accru l’énervement du père. Si je m’étais tu, je pense que le père se serait calmé et qu’il serait parti avec son fils, sans la honte d’avoir été remarqué dans un lieu public, ce qui a forcément engendré chez lui colère et frustration. Et donc a conduit au coup de plus.
Mais fallait-il ne rien dire et faire comme si de rien n’était ?
Et si l’enfant, suite à un signalement, était ôté de sa famille ? Alors qu’il peut s’agir de gestes isolés – pas excusables on est d’accord – mais qui ne reflètent peut-être pas le quotidien de cet enfant … Je ne sais rien de cette famille, je les ai vu 15 minutes.
Et vaut-il mieux pour un enfant être placé dans un foyer que de vivre avec son père, même si c’est un connard ?
Autant de questions, de situations, auxquelles nous ne sommes pas préparées. Même pas un tout petit peu.
Alors les campagnes de sensibilisation, elles sont bien mignonnes, bien léchées. Ah ça c’est sûr, elles savent jouent sur notre corde sensible, souvent pour nous inciter à faire des dons – ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi – mais quand se décideront-elles à être plus concrètes ? A nous apprendre les bons gestes, les bons réflexes et les conséquences soit de nos silences, soit de nos interventions …
Et la culpabilité que j’ai ressenti à ce moment-là n’est rien au regard de la tristesse de ce petit garçon …
Alors les campagnes bidons, qui tentent de faire pleurer sur de faux sites, ça me débecte un peu, on ne peut pas jouer avec la détresse et la maltraitance. Même pour faire le buzz.
En toute sincérité, qu’auriez-vous fait ?
C’est très délicat comme affaire. Je connais une personne dont le bébé pleurait beaucoup, tellement que les voisins ont appelé les services sociaux… Ils pensaient bien faire mais l’enfant en question n’était pas du tout maltraité. Heureusement pour la mère la situation s’est vite calmée car une fois que les services sociaux s’en mêlent… c’est dur.
Ta réaction était légitime cependant, c’est frustrant de voir que personne ne réagit.
ah oui, les services sociaux, ça peut être une vraie machine qui fait des ravages aussi 🙁
Alors là, non, je n’avais pas vu cette campagne… Mais je comprends ton énervement. Quant à savoir comment réagir face à ce genre de situation, c’est juste impossible… Tu as eu le courage d’écouter ton instinct. Même si cela a énervé le père. L’enfant, lui a reçu le message qu’il pouvait être défendu.
La violence faite à un enfant est la pire des violences ! tu as très bien agi, tout le monde n’est pas capable d’intervenir et souvent meme quand on alerte les autorités responsables rien n’est fait, mais ce n’est pas une raison pour ne pas agir
Ton article me bouleverse, il a le mérite de nous faire poser la question et de nous servir d’historique pour si l’on se trouve un jour dans la même situation que toi… alors MERCI
Je pense que j’aurais réagi comme toi , mais c’est difficile de s’immiscer dans les relations parentales. Et ensuite c’est l’enfant qui peut être puni ou pire tabassé. Quand à la campagne dont tu parles je ne l’ai pas vu du tout !
Tu n’es pas assez sur twitter mas belle Corinne 🙂 Mais je t’assure, tu n’as rien loupé !
Pas facile 🙁 je ne saurais pas comment réagir non plus, je trouve ça bien que tu aies dit un mot au papa, j’espère qu’il y réfléchira et se calmera.
j’ai déjà vu des parents parler très mal à leurs enfants, c’est un couple d’amis. c’est la première fois que je les voyais avec leur enfant. je me suis promis de leur parler la prochaine fois que je verrais ça, car sur le coup, je n’ai rien osé dire et parfois j’y pense et c’est douloureux.
Difficile de mettre en cause l’éducation de ses amis … ça m’est arrivé une fois et j’ai pris de la distance … l’enfant n’était pas maltraité mais l’attitude des parents étaient vraiment limite et nous mettait tellement mal à l’aise que la distance était la solution pour nous.
Il n’est rien de plus à faire que ce que tu as fait là.
Il m’est arrivé de vivre cette scène, mais j’étais ce gamin dont tu prends la défense dans ton billet.
En rentrant à la maison, j’ai pris la tannée. Une vraie.
Pourquoi ? Parce qu’à cause de moi, nous nous étions fait remarqué.
La violence et la colère de certains parents vient de trop loin, au travers de leurs enfants, ils règlent leurs comptes avec leur propre passé. Et ça, ni toi ni moi n’y pouvons quelque chose. Et à vouloir aider un enfant, c’est encore plus de violence que nous lui offrons.
Il faudrait que ces « parents » aient un jour le courage d’affronter leur passé, leurs propres parents, pour qu’un jour ils puissent dire adieu à ces enfants maltraités qui sommeillent en eux, et laisser vivre leur propres enfants. Mais là…
Ce que tu as fait est juste. Inutile, malheureusement, mais juste. Et Humain.
Merci Stéphane de ta confiance pour ce commentaire. Il laisse sans voix.
Pour ma part, j’aurais réagi de la même façon que toi. Il est important de ne pas se laisser aller à l’indifférence ambiante d’aujourd’hui face à la violence, quelle qu’en soit la victime.
Concernant les scrupules que tu as pu avoir à faire ton signalement « et si l’enfant était ôté à sa famille alors qu’il s’agissait d’un acte isolé ? », rassure-toi il existe toute une procédure de médiation avec les parents avant le placement de l’enfant. La chaîne YouTube » Point de Vue Social » traite plutôt bien du sujet dans cette vidéo : https://youtu.be/vn8T33ouzWA
Elle pourra sûrement répondre à certaines de tes questions.
Bonne journée à toi.
Je vais aller voir cette chaîne même si j’avoue être sceptique du traitement en vidéo de ces questions difficiles
J’aurais fait comme toi, j’aurais réagi sûrement maladroitement et je me serais torturé l’esprit encore longtemps après. La protection de l’enfance est quelque chose de si important mais si délicat que bien souvent on se trouve démunis. Plus généralement, je suis d’accord avec toi sur toute la bêtise de cette affaire. Bonne journée
Bête affaire qui relègue la cause au second plan …
Que c’est délicat – notre responsabilité civique nous demande à intervenir. Il nous est arrivé un même genre de situation et sous nos regards insistants et critiques, le père s’est senti visiblement gêné et il s’est calmé. Il s’est rendu compte de sa violence verbale tellement disproportionnée !
Si nos regards pouvaient suffire …