Il était une fois Lunel

Il était une fois Lunel

Lunel, petite ville de 26 000 habitants de l’Hérault, aux portes de la Camargue.
Lunel, montrée du doigts ces derniers mois, depuis qu’une vingtaine de ses jeunes sont partis au nom d’un idéal, rejoindre les Djihadistes en Syrie et ailleurs. Certains ne reviendront plus, déjà morts.

Lunel, qui a vu débarquer, après les attentats contre Charlie Hebdo de très nombreux journalistes, nationaux et internationaux – Vanity Fair, New York Times, Paris Match … – certains n’hésitant pas à titrer Lunel aux mains de l’Etat islamique, Lunel capital du Djihad et autres joyeusetés dignes d’un journalisme de sous-sol.

Pourquoi vous parler de Lunel aujourd’hui ?

Ma vie professionnelle et personnelle me ramène à cette petite ville depuis quelques mois. Retour vers le passé, la vie nous fait faire de drôles de bonds en arrière parfois.

Lunel, je l’ai connu, j’avais 12/13 ans. Je venais de quitter la Beauce, Pithiviers – on ne rit pas merci – pour arriver dans la région de Montpellier.

D’abord collégienne dans un petit village très calme, lorsque s’est posée la question du lycée, les grands établissements de Montpellier effrayaient mes parents et ceux de pas mal de mes copines. Nous avons été de nombreuses familles à contourner la carte scolaire et à produire de fausses attestations pour être admis au lycée Louis Feuillade de Lunel.
Ce lycée, nous l’avions choisi pour sa réputation de petit lycée de campagne, tranquille et sans histoire avec ses quelques 500 élèves.
Ce fut 3 jolies années, dans un cadre agréable, sans peur ni sentiment d’insécurité.

Lunel, je l’ai connu un peu plus tard pour son marché dominical autour des arènes.
Nous tournions en voiture de longues, très longues minutes pour trouver une place, attirés comme de nombreux autres par ses allées, ses bonnes affaires et ses marchands au verbe haut et au ton chantant. Après les allées des fleurs et des plantes, celles des fringues pas chères puis celle réservée aux poules et autres animaux de la basse-cour, nous nous attablions dans un des bars de sa rue centrale, avec des huîtres et un verre de vin blanc.

Lunel, je l’ai connu aussi étudiante, lors de sa fête estivale.
La région de Montpellier a cette tradition des fêtes taurines qui réunissent tout l’été, les jeunes du coin, de villages en villages et de fêtes votives en fêtes votives. Nous nous amusions franchement mais nous savions des fêtes de la région, celle de Lunel était celle de la vigilance mais comme d’autres aussi. Nous ne nous attardions pas tellement après la fin du bal. L’alcool était réputé mauvais chez certains.

Lunel, je l’ai connu lors d’une agression.
Violente. Un 31 décembre. Contre mes parents, moi-même et des amis. Ils étaient nombreux, nous étions démunis. De très mauvais souvenirs, l’hôpital, des cauchemars …  Mais cette agression aurait pu se dérouler n’importe où ailleurs. Vous savez, être là au mauvais moment au mauvais endroit ? Et bien c’était ça !

Lunel, je vais la redécouvrir, très bientôt à travers un projet professionnel qui me tient très à cœur.
Je vais intervenir avec un/e journaliste dans des établissements scolaires pour échanger avec les jeunes sur la fabrication de l’information et sa diffusion sur les réseaux sociaux.
Tenter de les faire s’interroger sur la véracité de ce qu’ils voient, de ce qu’ils entendent. Leur apprendre à douter, à exercer un sens critique, à décrypter les informations.
Projet passionnant. Noble tâche. Lourde tâche.

Dans le cadre de ce projet, j’ai rencontré Tahar Akermi, éducateur à Lunel depuis 25 ans.
Il a exercé à la MJC des années durant, jusqu’à sa fermeture il y a un an par la municipalité. Ou comment couper les ailes de certains des jeunes gens de la ville qui n’avaient que ce lieu comme point de repère et de rencontre en dehors des trottoirs !

C’est pour Tahar que j’écris ce billet. Pour les jeunes de Lunel que je vais aller rencontrer, pour vous et aussi pour moi.

Pour Tahar et pour le travail qu’il fait au quotidien. Lui qui est dans le « faire » et non dans le « dire ».

Pour vous car je tenais à vous présenter le film qui a été réalisé sur le travail de Tahar et qui m’a beaucoup touché. Ce film doit être vu, connu, diffusé.
Condamnés à vivre ensemble, ça s’appelle. Et ça dure 15 minutes.

Prenez ces 15 petites minutes s’il vous plait. Rendez-vous service, ne passez pas à côté !

Vous y entendrez le désœuvrement, le chômage, l’abandon, l’exclusion, l’identité camarguaise insolente et encore trop raciste, l’incompréhension de la population de Lunel devant le départ de ses jeunes partis se battre en Syrie ou en Irak … mais aussi et surtout l’optimisme et la nécessité de trouver des solutions communes à une situation qui échappe à tous et que personne ne pourra combattre seul.

Dans mon propos, tout comme dans ceux de Tahar, il n’est pas question d’angélisme, ni même de politique. Il y est juste question de partage, d’écoute, d’ouverture aux autres. Et de compréhension.

Ce billet je l’écris pour moi aussi. Pour me donner du courage. Je vous avoue, j’ai un peu peur.
Je n’aimerais pas me tromper de message et être du côté de ceux qui donnent des leçons alors que je voudrais juste être du côté de ceux qui transmettent ce qu’ils ont appris.

Alors je vais m’efforcer de garder en tête les conseils de Tahar lorsque j’irai à la rencontre des jeunes lunellois, sans jamais oublier que j’étais assise sur les mêmes bancs d’école qu’eux il y a quelques années. Et qu’ils ne doivent pas être si différents de ce que j’étais à leur âge : pleine d’espoir, d’ambition, d’envie de vivre.

 

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