Ou comment j’ai passé 3 jours et 2 nuits sur le second plus grand voilier du monde !!
Je viens de vivre l’une des plus belles expériences de ma vie – je pèse mes mots, je vous assure – et je ne sais pas trop par où commencer pour vous la conter. Je suis partagée entre l’envie de tout vous dire, pour partager avec vous cette folle et rare expérience et la garder pour moi tant elle est précieuse et m’a chamboulée profondément. Savez-vous que depuis que je suis rentrée, je suis jalouse lorsque je vois d’autres images que les miennes du Krusenstern, et que j’entends d’autres en parler, comme s’il m’appartenait un peu … Une chose est certaine, il fait dorénavant parti de moi et pour longtemps. Poser des mots sur cette traversée est sans doute la meilleure façon de rendre hommage au « 4 mâts » russe et de le faire vivre au-delà de ma mémoire qui un jour ou l’autre, sera défaillante #petitevieilleendevenir
Je tiens à préciser que je suis totalement inculte sur les termes techniques de la voile… Le russe parlé à bord ne m’a pas particulièrement aidé en la matière. J’ai uniquement appris qu’il y avait 2 mots que l’on ne prononçait jamais en mer : cordes et lapin 🙂
Le Krusenstern : un peu d'histoire Construit en 1926 en Allemagne et d'une longueur de 114,5 mètres,il a été livré à l'URSS en 1946 au titre des dommages de guerre et rebaptisé du nom de l'explorateur du début du XIXe siècle, Adam Johann von Krusenstern. Il assurait des liaisons avec l’Amérique latine et l’Océanie, d’où il ramenait du nitrate et du blé. Il effectuait des campagnes très longues, pouvant dépasser 8 mois. Bien plus tard, il a servi d’unité hydrographique et océanographique, avant de devenir un bâtiment école pour l'armée. Il appartient aujourd'hui à la Russian Baltic State Academy of the Fishing Fleet, accueille tout au long de l'année des centaines de cadets et participe régulièrement aux évènements qui mettent en avant les plus beaux bateaux du monde. Il est actuellement à quai à Sète, pour la fête des traditions maritimes, Escale à Sète, entouré d'autres magnifiques bateaux comme le Shtandard et l'Hermione. Je ne sais pas exactement combien de cadets étaient présents à bord cette fois-ci mais je pense qu'ils étaient bien 70/80, guidés par une 20ène de membres de l'équipage. Soit au total, une bonne centaine de personnes à bord pour mener le navire russe à bon port !
Jour 1 : Découverte du Krusenstern
Arrivée en fin de matinée à Barcelone, sous un ciel gris, je découvre le Krusenstern avec 4 autres curieux.ses, invités.ées eux aussi par Escale à Sète, pour vivre cette fabuleuse traversée. Dès la descente du train, l’excitation commence à poindre le bout de son nez. Je suis impatiente mais également très curieuse de la vie à bord. J’avoue que la présence de 2 nanas me rassure et très vite, le courant passe entre nous … Nous franchissons l’escalier qui mène du quai au pont où nous sommes immédiatement accueilli par plusieurs cadets et quelques gradés. Les plus jeunes prennent nos sacs direction nos chambres … enfin nos dortoirs. Filles d’un côté, garçons de l’autre. Je me retrouve dans un dortoir de 12 lits superposés avec d’autres nanas – nous sommes une petite 30ène de touristes sur le bateau – et je constate avec soulagement que c’est spartiate certes mais très propre. WC et douches y compris.
Le commandant nous accueille peu après et nous explique très sommairement la vie à bord. Il nous annonce que le lendemain sera une journée très mouvementée à cause du vent et que les voiles seront hissées dans l’après-midi pour être remontées dans la soirée.
Premier déjeuner à bord …
Nous sommes menés ensuite dans la salle réservée aux invités pour le déjeuner. Pas de hublot, nappes rouges, banquettes en velours, télévision sur les infos en Russie … austère mais là encore, confortable. Sur la table est déjà dressée une soupière de bouillon très clair dans lequel surnagent quelques morceaux de choux. Pas d’eau mais des carafes de thé noir et parfois aussi des carafes de liquide épais au goût de rose ! Le bouillon même s’il est un peu tiède est bon. On nous débarrasse rapidement pour nous servir le plat principal. Très vite, les sourires disparaissent : ragout de foie bouilli sur son lit de semoule gros grains avec un peu de chou. Je suis la fille la moins difficile du monde en ce qui concerne la nourriture mais là, c’est difficile à avaler. C’est pas bon. Mais pas du tout !
Comme nous craignons tous le mal de mer, nous avalons un peu la semoule, histoire d’avoir du solide dans l’estomac et attendons le dessert … qui ne vient pas. Pas de dessert, il faudra attendre le tea-time à 15.30 Les horaires des repas sont fixés précisément : 7h30 pour le petit-déjeuner, 11h30 pour le déjeuner, 15h30 pour le thé, 19h30 pour le souper. Chaque RDV à bord nous sera rappelé par micro en russe et en anglais. Ce maigre repas avalé, nous remontons sur le pont pour le départ. Les cadets sont sur le pont aussi, casquettes à la main et sur fond d’une chanson russe très mélancolique, adressent leur salut au port de Barcelone et aux spectateurs.
Ça tangue un peu … beaucoup
Cet après-midi, ça tangue en mer et déjà, les premiers maux de mers se font sentir. Certains partent s’allonger, les cachets s’échangent, les mines pâlissent … j’échappe à ses désagréments, mon estomac est bien accroché et je commence à trouver mes marques sur les 114,5 mètres du voilier. La proue, la poupe, babord, tribord, je n’arrive pas à me poser tant j’ai envie de tout voir et de graver ces instants précieux dans ma mémoire. Le ciel est gris mais qu’importe, la vue sur Barcelone est magnifique plus on s’éloigne du bord.
Tea-time sucré
Très vite, l’heure du goûter arrive et là je me frotte le ventre : chocolat noir, kiwi, thé et brioches à la cannelle !! Un peu méfiante quant au repas du soir à venir, je n’en laisse pas une miette et je vous assure que j’ai bien fait 🙂
Toutes voiles dehors !!
Alors que nous sommes tranquillement en train de faire connaissance sur le pont, la voix russe retentie dans le micro et d’un coup, ce sont des dizaines de cadets qui sortent du sous-sol en courant. Très vite, ils s’équipent d’un harnais et se regroupent sous les 2 mâts principaux et agrippent solidement les cordes. Les jeunes tirent, soufflent, s’agitent en cadence sous les cris pas très tendres des membres de l’équipage et des mécanos. C’est là que nous voyons que les cadets sont aussi des cadettes !
Les cordages crissent, certaines voilent se tendent tandis qu’une dizaine de cadets grimpent aux mâts et que d’autres voiles se déplient. Le spectacle est magistral et je mitraille à tout va, en essayant de ne pas gêner les manœuvres. Le claquement des cordages, des voiles, le vent qui souffle dans les toiles, les cris en russe, les efforts des cadets, la mer tout autour, les yeux levés vers le ciel … c’est beau, c’est magique.
Premier diner …
Le temps passe vite et c’est déjà l’heure du souper qui se compose d’un bouillon clair toujours et d’une sorte de galette au poisson fourrée avec je ne sais quoi, servie sur des céréales et du chou. Là encore, seules les céréales et le chou veulent bien se frayer un chemin dans ma bouche et je suis loin d’être la seule à rechigner. Nous nous en voulons tous de gâcher les assiettes que l’on nous sert mais vraiment, c’est difficile. Comme nous avons bien compris que tous les repas seraient de cet acabit, nous en prenons notre parti et rions de ces différences de traditions culinaires entre nos deux pays. S’en suivent les discussions classiques : « qu’est-ce qu’on mange bien en France quand même !! » Le diner fini, nous sommes vite priés de déguerpir. Si la cuisine est tenue par une toute jeune femme mignonne comme tout, elle n’en est pas moins plutôt autoritaire. Et les 2 garçons sous ses ordres qui lavent et rangent la vaisselle, se font tout petits dès lors qu’elle ouvre la bouche. Dehors, il fait vite nuit et seul le haut des mâts est éclairé. Nous avons à peine le temps de digérer que les cadets font un retour tonitruant, il faut remonter les voiles pour la nuit. Dans le noir. Et qui dit remonter les voiles dit grimper sur les mâts … Sous nos yeux étonnés, plusieurs cadets grimpent sans crainte à plus de 3 mètres de hauteur tandis que les autres, restés au sol, sous les ordres encore un peu plus abrupts des gradés russes, tirent les cordages et les voiles. Il leur faudra près d’une heure pour terminer leurs manœuvres. Comme il fait doux, nous trainons encore un peu sur le pont et avouons-le, les dortoirs ne sont pas les endroits les plus glamours du bateau … alors autant y aller à la dernière minute 😉
Jour 2 : réveil à la russe et force 7
7 heures, c’est le commandant qui nous réveille, en russe, via le haut-parleur. Vous pensez, personne n’a l’idée de trainer au lit … Douche rapide, j’enfile un jean et un pull, et je me dépêche de monter sur le pont pour profiter du lever du soleil. Canon ! Après un petit-déjeuner composé d’une sorte de faisselle surmontée de crème fraiche et de sucre en poudre, nous nous apprêtons à passer notre plus longue journée en pleine mer qui ne sera pas de tout repos.
Cette journée sera celle de la tempête extérieure et de la paix intérieure. Les journées en mer peuvent paraitre longues et certains visiteurs ont d’ailleurs marqué un certain ennui à bord. Peu de manœuvres, les cadets frottent les cuivres, repeignent certaines pièces et briquent le pont … Comme la veille, j’adore les regarder vivre à bord.
Quelques mots sur les cadets Nous ne nous parlons pas - peu parlent anglais - mais je les trouve très touchants et dans leurs regards, une attention et une bienveillance rare à notre égards. Nous nous croisons très souvent tout au long de cette traversée et notamment dans les sous-sols du Krusenstern où les couloirs et les escaliers très étroits nous forcent les uns et les autres à céder le passage. Et là, ce sont toujours des regards timides et quelques sourires que nous nous échangeons. Je suis encore très gênée dans l'exercice des portraits - surtout que là, les gamins bossaient - mais j'ai adoré les prendre en photo. Je prépare d'ailleurs un second billet réservé aux cadets !
Regarder la mer, suffit à remplir ma journée. Je passe un long moment à la pointe avant du voilier, profitant du vent encore pas trop fort qui fait chanter les cordages et les pièces en métal sur les mâts – qui pour me donner des cours de vocabulaire marin, qui ?? J’en profite également pour faire connaissance avec mes partenaires de croisière. Des passionnés de voile pour la plupart, qui s’offrent des traversées lors de la venue en Europe des plus beaux bateaux du monde.
Grande découverte pour moi, j'ignorais que des traversées sur de très beaux bateaux comme le Krusenstern étaient ouvertes à tous. Deuxième découverte, ce n'est pas inabordable du tout, ce qui me donne plein d'idées comme vous pouvez l'imaginer. Pour exemple, le Barcelone/Sète coûte 290 €. Il existe même des sites internet qui organise ces croisières comme Esprit Grand Large. A cela, il faut rajouter bien entendu le prix du transport. Si vous partez du bout du monde, ça peut couter cher, si vous partez de Barcelone, ça reste gérable :)é Depuis Montpellier, c'est la SNCF/RENFE qui nous a accompagné à bon port avec toujours un service au top. J'avais déjà testé le service pour Barcelone en 2016 et pour Figueiras en fin d'année et je n'ai jamais été déçue. Trains confortables, horaires respectés, personnel hyper aimable ... la RENFE est une valeur sûre. Et en 3 heures à peine, on débarque en plein centre de Barcelone. Je trouve que c'est vraiment une belle façon de se déplacer sans s'emmerder avec sa voiture.
Déjeuner plutôt pas trop mauvais ce jour-là : ragoût de veau servi avec son orge gourmande – hihihi – suivi d’une sieste sur le pont arrière, au soleil, bercée par les vagues et le ronronnement des moteurs. Ou comment toucher du doigt le bonheur !!! Jusqu’à ce qu’on se fasse virer manu militari par un mécano et les cadets, c’est l’heure de la douche. Pas la nôtre merci bien mais celle du Krusenstern. A grands jets d’eau, les minots frottent les ponts aux balais brosse. En les voyant faire, je me dis qu’avec 1 ou 2 cadets à la maison, j’oublierai à tout jamais toute notion de poussière …
Visite de la salle du musée et de la salle des machines
On dit qu’il n’y a rien à faire sur un bateau mais la vie à bord est finalement très rythmée, entre les repas et les visites … car oui, le Krusenstern se visite de l’intérieur. On peut y découvrir un musée, retraçant l’histoire du navire mais aussi s’enfoncer en son cœur, qui bat fort et vite.
Equipés de casques anti-bruit, nous nous enfonçons dans ses entrailles vers les salles de machines et les chaudières, les pistons, les soupapes, les tuyaux … là encore, c’est propre. Propre et coloré. Et russe … on y trouve d’ailleurs des vestiges de l’ancienne URSS 🙂
Évidemment, je n’y comprends rien – même si certains de mes camarades ont bien voulu m’expliquer quelques rudiments de mécanique – mais la visite vaut le coup d’œil assurément !
C’est l’heure du goûter
Vous imaginez bien que si je prends la peine de vous raconter ce second tea-time, c’est qu’il était particulièrement remarquable. Restée sur le souvenir des brioches et du chocolat noir de la veille, j’arrive toute guillerette dans la salle de repas … pour me retrouver face à une assiette dressée de … harengs fumés et de pommes de terre !!!! Horreur malheur, rendez-moi mes brioches !!! Rien à faire, j’ai du me rendre à l’évidence, si je voulais remplir mon estomac, j’allais devoir goûter le hareng. Il était bon.
Le vent se lève moussaillon !
En quelques heures de temps, le vent s’est renforcé et le voilier affronte alors un vent force 7 ! Pour le voilier, tout va bien. Avec ses 114 mètres, il tient bon. Nous par contre … ça tangue un peu plus. Mais finalement pas tant que ça. Et c’est là que j’ai appris que les vagues de la Méditerranée étaient singulières, petites et très rapprochées, contrairement aux vagues du Pacifique, très larges … ainsi, le navire casse les vagues et nous ressentons à bord assez peu la houle. En revanche, nous nous prenons le vent en pleine face et peinons pour trouver des endroits pour nous abriter. Certains regagnent les cabines, moi, je continue mes déambulations … une fois devant à admirer les vagues qui viennent s’écraser sur la proue, une fois derrière pour me poser un peu plus à l’abri … Et profiter du coucher de soleil ! Après le repas du soir, il devient difficile de rester dehors en pleine nuit avec ce vent de dingue et je vous assure, que je tenais fermement la corde que les matelots avaient tendus de chaque côté du Krusenstern pour assurer notre sécurité et nos déplacements. Nous fûmes tous au lit de bonne heure, prêts à l’arrivée sur Sète le lendemain matin !
Jour 3 : l’arrivée à Sète
Petit-déjeuner vite avalé, je ne veux pas perdre une miette du spectacle qui s’annonce. Entre le lever du soleil et les premiers bateaux que nous voyons se rapprocher de nous, dont le superbe Sthandart, je sais que le moment va être magique. Il ne manque que la promesse du ciel bleu pour parfaire mon plaisir mais tant pis, je ferai sans ! Nous nous rapprochons de plus en plus de Sète qui d’un petit point dans l’horizon, devient un port magnifique. Mais petit port tout de même, comment un tel monstre marin va-t-il arriver à quai sans casse ? C’est simple, il suffit de le pousser pardi ! Un thonier à gauche, un thonier à droite et avec la douceur d’une caresse, ils poussent le voilier vers les bites d’amarrage. Au sol, les musiciens sétois et des centaines de spectateurs émerveillés en face de celui que j’appelle maintenant « mon Krusenstern ». C’est pas moi qui l’ai dit, c’est le commandant ! En nous tendant nos certificats de navigation, ils nous a assurés que nous faisions à présent partie de la famille du Krusenstern … vous voyez, c’est un peu le mien !
Et il faut que je vous raconte mon secret inavouable. Mais à vous, je peux bien le dire … Avant de débarquer, les cadets se mettent en ligne et saluent le public comme ils l’ont fait lors du départ. Casquettes à la main, sur fond d’une chanson russe mélancolique au possible, ils honorent la ville qui les reçoit et les spectateurs. C’est à ce moment là que le drame est arrivé, sans crier gare … les larmes ont commencé à couler, j’étais submergée par l’émotion. Pas des larmes de crocodiles hein, de vraies grosses gouttes qui inondent le papier du mouchoir. Emue d’avoir vécu en mer, d’avoir participé à cette expérience exceptionnelle et émue de ces gamins frêles mais sacrément gaillards. Les cadets et le Krusenstern ont volé mon cœur à tout jamais !! J’avais un peu honte, j’ai baissé ma casquette sur mes yeux, récupéré mon sac de voyage, descendu l’escalier vers la terre ferme et jeté un dernier regard sur « mon Krusenstern ».
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Merci à Valérie, ma petite fée magique, à Wolfgang sans qui Escale à Sète ne serait pas et à toute l’équipe du Krusenstern à qui je pense souvent avec beaucoup d’émotion ♥♥♥ Et bientôt, un billet dédié à mes cadets chéris. Vous aussi, vous allez les adorer !
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Sublimes photos bravo ! Mais quelle chance ! je veux devenir ton assistante pour te suivre partout !!! je porterai les valises et l’appareil photo et j’irai te chercher du café !!! Bises
je ne bois pas de café ma belle 😉
Quelle expérience folle… puissante, rare, magique, j’imagine ton émotion et ta joie ! Merci pour ce beau texte qui m’a émue !
Merci de tes mots Alexandra 🙂
Merci ma petite Olivia , je t avais demandais d être les yeux et tu as réussi , j ai même une larmette qui coule
Merci pour ce beau récit je n en attendais pas moins de toi, j adore !
Comme tu dis cette musique mélancolique est juste magique , elle m émeut toujours autant
Comme elle prends aux tripes !!!
Quelle belle expérience! Je comprends ton engouement après t’avoir lue!
Tu comprends maintenant pourquoi j’en suis revenue chamboulée ?!!
Pfiou !
Je l’attendais ce post après avoir suivi avec beaucoup d’intérêt tes aventures sur IG.
Que d’émotions ! Quelle aventure !
Et superbes photos.
Oh oui, un concentré d’émotions en 3 jours !!