Virginie Despentes est une auteure que j’apprécie beaucoup. Elle est de celles qui marquent les lecteurs tant son discours est tranché, engagé et vivant.
On se rappelle tous de Baise-moi, adapté au cinéma et qui avait choqué : violence, sexe … le film adapté de ce roman fut censuré en France !!
Il es certain que si l’on goûte peu le verbe cru, les situations border-line, les sujets qui abordent le sexe, la picole, la drogue … il vaut mieux passer son chemin.
Personnellement, j’apprécie tout autant les ambiances sombres dans les séries que dans les romans.
Et puis, je ne suis pas insensible à son engagement féministe – nous devrions toutes lire King Kong Théorie –, à son franc-parler et à la façon qu’elle a de décortiquer le pire de la société dans laquelle on vit.
Et les deux tomes de Vernon Subutex, c’est exactement ça : Virginie Despentes passe au crible la société et les désillusions de ceux qui ont grandi et vieilli.
Vernon Subutex, drôle de nom pour un héros de roman …
L’histoire est très simple : Vernon Subutex était disquaire lorsqu’il était plus jeune et faisait de la musique. Gravitaient autour de lui musiciens, starlettes, actrices de porno, potes fauchés, amis perdus … tous étaient joyeux, croyaient dur comme fer dans le rock comme arme libératrice d’une société qui devenait pesante et dans laquelle les premières injustices pointaient.
Mais l’époque était à l’insouciance. Normal, ils avaient 20 ans.
Souvenez-vous des disquaires de l’époque ?
Lorsque j’avais 10 ans à Pithiviers, je me souviens très bien de ce magasin, collé au Monoprix, sur la place du Martroi qui vendait guitares et disques. Vinyles. 33 et 45 tours.
Je me souviens que je n’osais pas m’en approcher, des mecs pas comme nous – crêtes, tête rasée, tatoués … – y entraient, sortaient et y passaient des heures. Ce sont mes souvenirs de petite fille, je suis certaine aujourd’hui que ces musicos n’étaient pas aussi « effrayants » que ça 🙂
Si vous vous souvenez de cette époque, vous n’avez certainement pas oublié les rideaux de fers qui sont descendus sur ces enseignes les uns après les autres. Disparition des vinyles, disparition des disquaires.
Voilà donc que Vernon se retrouve au chômage. Il n’a plus 20 ans.
Il vit quelques mois comme ça, sans trop se soucier du lendemain, persuadé de retomber sur ses pattes.
Lorsque les temps sont un peu plus durs, il vend ses collections de disques et tient encore plusieurs mois, le garçon n’a pas d’énormes besoins … Et lorsque vraiment c’est la dêche, un de ses potes de l’époque, devenu musicien à succès, aligne les euros et paie ses loyers.
Sauf que … Vernon finit par se faire expulser, le pote n’est plus.
On suit la chute de Vernon dans toutes ses étapes, même les plus effrayantes.
Mais ce n’est pas tout, une enquête se déroule tout au long des deux tomes … Un message enregistré sur une vidéo … personne ne l’a vu mais tout le monde la veut … Et certains sont prêts à donner – ou prendre – beaucoup pour l’obtenir …
Vernon, le héros sombre d’une époque achevée
Et là commence véritablement le roman : la descente aux enfers d’un mec que tout le monde adorait …
On pourrait penser que le roman est centré sur un seul personnage mais au contraire, tout au long des pages, on découvre une succession d’individus – vivants et morts, beaucoup sont morts d’overdose ou du sida – dont la seule vie pourrait servir de sujet de roman. Le tout en étant d’une justesse incroyable et sans jamais aucune exagération.
Pas une seule fois on se dit « non mais là, la Despentes, elle en fait trop, c’est pas du tout croyable !! »
Chaque histoire pourrait être celle de notre voisine de pallier ou du SDF au coin de la rue. Ou presque.
L’écriture est dense, riche et surtout, j’ai adoré la composition du roman, réfléchie comme la mise en scène d’un film ou d’une série. Pas de temps morts et une modernité incroyable.
Autant par les sujets abordés que par la construction des bouquins. Si les mots sont crus et grossiers, ils n’en sont pas moins parfaitement maitrisés.
Loin d’être pessimistes, les deux tomes décrivent une société follement triste et désespérée mais la mélancolie que l’on sent à chaque page nappe le tout d’un soupçon de tendresse et même de bienveillance qui fait que la lecture n’est pas plombante et au contraire, je dirais que l’histoire de Vernon Subutex est lumineuse.
Il se murmure que Virginie Despentes est à l’écriture du tome 3 … je me prends à espérer que le temps passe vite 🙂
J’espère vous avoir envie de vous plonger dans les deux tomes de Vernon Subutex et de suivre l’histoire de ce personnage au drôle de nom.
Qu’en dites-vous ?
Je viens de commencer le tome 1 . Pour l’instant je trouve l’auteur plus « soft » que dans ses premiers opus, mais le style est là, on sent qu’elle maîtrise dans le fond comme dans la forme.
oui, c’est assez soft par rapport à ses autres écrits mais la maitrise du récit et de la construction du roman est vraiment incroyable
Je l’ai gagné (le tome 1) à la kermesse de l’école. J’hésitais à le lire. Du coup, je vais tenter !
Laisse tes hésitations au placard 🙂